L’engouement des Private Equities pour le numérique favorise la consolidation du secteur

En complèment des IPO (Initial Public Offering, ou l’introduction en bourse d’une entreprise) dans le numérique, s'est ouverte l’ère des LBO (Leverage Buy Out, un montage financier permettant le rachat d'une entreprise par le biais d'une société holding) qui s’est accélérée après la crise des «subprimes». Le Private Equity/PE s’est imposé comme la nouvelle norme dans les secteurs du numérique, en particulier auprès des éditeurs de logiciels. En effet, l’évolution lors de la dernière décennie est frappante : en 2010, 13% du top 30 des éditeurs de logiciels français étaient sous mandat PE, contre 40 % en 2020 selon PAC. La récurrence des revenus de ces derniers et leurs marges opérationnelles élevées sont particulièrement attrayantes. Pour les ESN, on constate une accélération du passage sous mandat PE, avec 6 fois plus d’ESN françaises du top 40 sous mandat PE en 2020 qu’en 2010.

En 2020, la crise COVID a temporairement tari le dealflow des fonds PE. On a assisté en 2021 à un effet de rattrapage des investissements dans le numérique.

Initialement centrée en France dans les small/mid caps, l’essor des Private Equities vers de plus grandes entreprises (notamment ESN) a été favorisé par les fluctuations parfois incontrôlables de la bourse, générant un mouvement de retraits de cotations (dont Devoteam en 2021).

Parmi les attraits des opérations de LBO du secteur, on peut citer :

  • Pour les acteurs du numérique :
    • Valorisations élevées.
    • Stabilité financière du soutien d’un fond PE, qui n’est pas soumis à l’instabilité du cours en bourse. Cette stabilité financière permet aussi une stabilité dans l’actionnariat et donc dans la gouvernance de l’entreprise.
    • Mise en place d’un véritable accompagnement et d’une collaboration entre le management de l’entreprise et l’actionnaire.
    • Meilleures capacités financières pour des acquisitions. Les sociétés qui font rentrer un fond dans leur capital ont, pour la plupart, clairement la volonté de faire des acquisitions.
  • Pour les fonds PE :
    • Thèse d’investissement simple qui s’appuie sur le dynamisme du marché du numérique (logiciels et services), avec une croissance de +6.3% en 2021 en France selon PAC (en savoir plus).
    • Cibles nombreuses dans les segments à forts potentiels de croissance.
    • Possibilités de synergies au sein du portefeuille, pouvant mener à des build-up internes se basant sur la complémentarité entre des entreprises sous mandat. Ces build-ups peuvent être horizontaux (ex : deux ESN) ou verticaux (ex : un software spécialisé dans l’agroalimentaire et une entreprise du secteur agroalimentaire).
    • ...


Les principaux bénéfices du soutien d’un fond de private equity pour les entreprises du numérique par rapport à la cotation en bourse est la possibilité de mettre en place une stratégie à moyen/long terme, ce qui est très difficile en bourse du fait du cours de l’action qui peut varier très rapidement et notamment lors de chaque résultat trimestriel. Un autre bénéfice important porte sur l’apport de capital facilité qui permet d’investir dans le recrutement, la croissance externe, l’innovation… et ainsi de se développer plus vite, notamment à l’international.

Toutefois, il ne faut pas sous-estimer ses effets néfastes, notamment si l’on compare cette opération avec le rachat par un « industriel » (ici une entreprise du numérique). En effet, les fonds adoptent souvent une approche majoritairement, voire purement, financière, notamment pour augmenter à tout prix l’EBITDA afin de rentabiliser leur investissement. Cela peut conduire à une pression excessive sur les coûts pour l’entreprise au détriment du développement de l’innovation. De plus, en dehors fonds spécialisés, une partie des fonds PE n’ont pas la possibilité comprendre suffisamment les enjeux de l’industrie dans laquelle ils ont investis pour assurer une gouvernance la plus efficace possible. Cet état de fait peut conduire à des décisions néfastes à l’entreprise sous mandat à long terme. La fusion ou l’acquisition avec une entreprise du secteur permet d’avoir un véritable projet industriel, et ainsi de tirer des synergies des business models et d’exploiter la complémentarité des offres.

L’accélération de la transition digitale et l’entrée au capital des PE font monter les enchères des éditeurs de logiciels et des ESN. La question pour les PE n’est plus d’investir ou non dans le numérique, mais à quel niveau investir.

La présence croissante des fonds de PE dans l’actionnariat des entreprises du numérique participe à la consolidation de ce secteur. En effet, les entreprises sous mandat PE peuvent aller plus vite dans leur développement grâce à des acquisitions rendues accessibles grâce à l’apport du fond.

Nous pensons que la taille des transactions va augmenter de manière substantielle dans les années à venir, et les grandes ESN et éditeurs de logiciels seront également dans le collimateur. Ce changement d’échelle entraînera également l'élévation des barrières à l'entrée des investissements dans le domaine IT pour les fonds, mais contribuera aussi à l’accélération de la consolidation du secteur.

Une surenchère à base de valorisations souvent excessives caractérise la situation à l'aube de 2022. Nous pensons que cette tendance est vouée à perdurer, et que nous assisterons à une hyperspécialisation des PE pour instaurer la confiance et mieux accompagner les acteurs du numérique. Les entreprises du numérique devraient privilégier l’accompagnement par un fond PE ayant une expertise démontrée de leur secteur afin de démultiplier la valeur ajoutée du capital-investissement.

 

Nous avons analysé en détail les raisons de cet engouement et le reste de nos prédictions dans le rapport "Why and where Private Equities invest in digital technology markets ?" [accès abonnés - anglais]

 

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